L’audace de la Génération Z marocaine ne passe plus inaperçue : chacun peut constater la détermination de cette jeunesse à faire face au gouvernement et à se faire entendre. Mais leur récente mobilisation soulève une question essentielle : pourquoi ces jeunes choisissent-ils de porter leurs revendications directement dans la rue et sur les réseaux sociaux, plutôt que de s’appuyer sur la société civile, censée être un relais naturel de leurs préoccupations ?
Un fossé entre jeunesse et société civile
Pour Rachid Essedik, président du Centre marocain pour la citoyenneté (CMC), la réponse est multiple. «La Génération Z évolue dans un univers façonné par les réseaux sociaux, l’instantanéité et de nouveaux codes d’expression. La majorité des associations, restées ancrées dans des démarches classiques, n’ont pas su adapter leurs méthodes d’intervention à cette réalité. Résultat, un fossé s’est creusé et l’énergie des jeunes s’exprime directement dans la rue ou en ligne, souvent sans relais structuré».
À cette inadéquation des méthodes s’ajoute une crise de confiance généralisée. «Beaucoup de jeunes ne croient plus dans les institutions traditionnelles, partis, syndicats ou même une partie de la société civile, jugées trop bureaucratisées, éloignées de leurs réalités, voire affaiblies et repliées sur elles-mêmes. Ce manque d’ouverture prive la jeunesse d’espaces d’écoute et d’accompagnement».
Selon lui, la responsabilité est partagée : «La solution ne peut pas venir de la société civile seule. Les partis politiques doivent aussi assumer leur rôle institutionnel, directement ou via leurs organisations de jeunesse, afin de reconstruire un cadre crédible. C’est seulement en recréant ce lien de confiance et en investissant les espaces où les jeunes s’expriment que l’on pourra transformer leur colère en propositions citoyennes constructives».
À cette inadéquation des méthodes s’ajoute une crise de confiance généralisée. «Beaucoup de jeunes ne croient plus dans les institutions traditionnelles, partis, syndicats ou même une partie de la société civile, jugées trop bureaucratisées, éloignées de leurs réalités, voire affaiblies et repliées sur elles-mêmes. Ce manque d’ouverture prive la jeunesse d’espaces d’écoute et d’accompagnement».
Selon lui, la responsabilité est partagée : «La solution ne peut pas venir de la société civile seule. Les partis politiques doivent aussi assumer leur rôle institutionnel, directement ou via leurs organisations de jeunesse, afin de reconstruire un cadre crédible. C’est seulement en recréant ce lien de confiance et en investissant les espaces où les jeunes s’expriment que l’on pourra transformer leur colère en propositions citoyennes constructives».
Le défi du digital
Le fossé tient aussi à une différence de langage et d’univers culturels. «La Génération Z a développé ses propres espaces et ses propres codes d’expression. Elle échange en continu sur des plateformes numériques, avec un langage direct, visuel et interactif. Certaines associations ont compris ce tournant et investissent déjà le digital à travers des campagnes en ligne, des podcasts ou des contenus interactifs. Mais la majorité reste encore attachée à des approches plus classiques. Ce n’est pas tant une question d’absence que de rythme et de pertinence. Les jeunes innovent en permanence dans leurs modes de communication, et les associations n’arrivent pas toujours à suivre ce tempo. Pour combler cet écart, la société civile doit non seulement utiliser le digital, mais aussi l’intégrer comme un espace stratégique d’action et de dialogue avec la jeunesse. C’est à ce prix qu’elle pourra réduire la distance et redevenir un acteur audible et crédible».
Des priorités qui divergent
Au-delà des outils, ce sont aussi les thèmes portés par les associations qui semblent parfois déconnectés des priorités de la jeunesse. «Il est vrai que les missions historiques de la société civile peuvent parfois sembler éloignées des préoccupations immédiates de la Génération Z. Les jeunes, aujourd’hui, parlent surtout d’emploi, d’accès à des services publics de qualité, de justice sociale, de respect de la dignité et d’égalité des chances. Lorsqu’ils ne retrouvent pas ces priorités dans les discours ou actions associatives, ils prennent de la distance. Ce n’est pas un rejet de principe, mais un décalage de centres d’intérêt. La société civile gagnerait à intégrer davantage les thématiques concrètes qui préoccupent la jeunesse dans son quotidien, et à les traiter avec un langage direct et accessible. Plus les associations se rapprocheront de ces préoccupations réelles, plus elles retrouveront leur place comme relais de confiance et de participation citoyenne».
Et pour M. Essedik, ce chantier ne se limite pas aux thèmes, mais touche aussi à la manière d’agir : «Au-delà des thèmes, il est aussi nécessaire de revoir le fonctionnement de la société civile pour l’intégrer pleinement dans le digital. Le numérique n’est pas seulement un canal de communication, il est devenu un espace d’action citoyenne à part entière. Les associations qui sauront investir ce champ, avec des outils adaptés et un dialogue en temps réel, auront beaucoup plus de chances de regagner la confiance et l’attention de cette génération».
Et pour M. Essedik, ce chantier ne se limite pas aux thèmes, mais touche aussi à la manière d’agir : «Au-delà des thèmes, il est aussi nécessaire de revoir le fonctionnement de la société civile pour l’intégrer pleinement dans le digital. Le numérique n’est pas seulement un canal de communication, il est devenu un espace d’action citoyenne à part entière. Les associations qui sauront investir ce champ, avec des outils adaptés et un dialogue en temps réel, auront beaucoup plus de chances de regagner la confiance et l’attention de cette génération».
Moyens et crédibilité : un obstacle majeur
L’autre frein reste structurel : la question des moyens. «L’insuffisance des moyens est une réalité que vivent de nombreuses associations. Avec des financements limités et souvent irréguliers, leur capacité d’action reste restreinte, ce qui réduit leur visibilité et leur impact auprès des jeunes. Cette faiblesse alimente l’idée que la société civile ne peut pas réellement changer les choses, et cela décourage une partie de la jeunesse de s’y engager.» Mais il insiste sur un point crucial : «Il faut aussi reconnaître que, malgré l’existence de financements mis à la disposition du tissu associatif, les procédures de sélection et de gestion ne sont pas toujours perçues comme transparentes ni équitables. Ce manque de clarté nourrit la méfiance des jeunes, qui considèrent alors que certaines associations captent les ressources sans produire un impact réel sur le terrain. Pourtant, une société civile plus forte, dotée de moyens gérés de manière transparente et avec une reconnaissance institutionnelle accrue, pourrait devenir un véritable levier pour porter la voix des jeunes. Beaucoup de ces derniers ne cherchent pas seulement un espace d’expression, mais aussi un soutien concret, une organisation capable de traduire leurs revendications en actions et en plaidoyer. C’est en renforçant la crédibilité et la transparence de la société civile qu’on peut lui permettre de jouer pleinement ce rôle d’appui et de relais crédible».
Réinvention nécessaire de la société civile
Face à ces défis, une réinvention devient indispensable. «La société civile doit aujourd’hui sortir de ses schémas traditionnels et se réinventer pour redevenir un espace d’écoute et d’action crédible pour la jeunesse. Cela passe d’abord par une ouverture réelle aux nouveaux modes d’expression des jeunes, en intégrant le digital non pas comme un simple outil de communication, mais comme un véritable espace d’action citoyenne. Il est également essentiel de rapprocher les priorités associatives des préoccupations concrètes des jeunes : emploi, éducation, justice sociale, égalité des chances. En adaptant ses programmes à ces réalités, la société civile peut devenir un relais efficace entre la jeunesse et les institutions. Enfin, la réinvention exige aussi plus de transparence et de professionnalisme dans la gestion des financements et des projets. C’est par cette crédibilité retrouvée que les associations pourront transformer la colère des jeunes en propositions constructives et en participation citoyenne active».
Une nouvelle opportunité pour renouer le lien
Les mobilisations récentes doivent donc être vues non pas comme un danger, mais comme une opportunité. «Ces mobilisations doivent être vues comme une opportunité pour la société civile plutôt que comme une menace. Elles rappellent que la jeunesse a soif d’expression, de reconnaissance et de participation, même si cela passe parfois par des formes contestataires. Plutôt que de rester en retrait, les associations gagneraient à écouter cette énergie, à la canaliser et à l’accompagner vers des initiatives constructives. C’est en se mettant à l’écoute des jeunes et en adaptant leurs méthodes que les acteurs associatifs peuvent regagner en crédibilité. Chaque mouvement de contestation révèle aussi une attente : celle d’avoir des relais organisés, capables de transformer les cris d’alerte en plaidoyer, en propositions concrètes et en projets citoyens.»
Et l’avenir pourrait aussi passer par une relève portée directement par la jeunesse. «Il est tout aussi important d’encourager les jeunes à créer leurs propres associations, avec leurs codes et leurs méthodes, afin de renouveler le tissu associatif et de lui donner un souffle générationnel nouveau. La société civile ne pourra se renforcer que si elle combine la réinvention de ses structures existantes avec l’émergence de nouvelles organisations portées directement par la jeunesse».
Enfin, Rachid Essedik appelle à activer un levier institutionnel resté lettre morte : «Il est nécessaire d’activer le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative, prévu par la Constitution de 2011, mais qui n’a toujours pas vu le jour. Sa mise en place offrirait un cadre institutionnel fort pour intégrer la voix des jeunes et renforcer la complémentarité entre les associations, les partis et les institutions publiques. Sans ce mécanisme, le dialogue restera fragmenté et la crédibilité des engagements envers la jeunesse limitée».
Et l’avenir pourrait aussi passer par une relève portée directement par la jeunesse. «Il est tout aussi important d’encourager les jeunes à créer leurs propres associations, avec leurs codes et leurs méthodes, afin de renouveler le tissu associatif et de lui donner un souffle générationnel nouveau. La société civile ne pourra se renforcer que si elle combine la réinvention de ses structures existantes avec l’émergence de nouvelles organisations portées directement par la jeunesse».
Enfin, Rachid Essedik appelle à activer un levier institutionnel resté lettre morte : «Il est nécessaire d’activer le Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative, prévu par la Constitution de 2011, mais qui n’a toujours pas vu le jour. Sa mise en place offrirait un cadre institutionnel fort pour intégrer la voix des jeunes et renforcer la complémentarité entre les associations, les partis et les institutions publiques. Sans ce mécanisme, le dialogue restera fragmenté et la crédibilité des engagements envers la jeunesse limitée».
