Le projet de loi de finances 2023 a dévoilé les prochaines étapes de la mise en œuvre du grand chantier de la généralisation de la protection sociale au Maroc ainsi que le bilan des réalisations à ce jour. Ce projet, rappelons-le, mobilisera une enveloppe annuelle de 51 milliards de DH à l'horizon de 2025 répartie entre la généralisation de l'AMO, la généralisation des allocations familiales, l'élargissement des bénéficiaires des régimes de retraite et la généralisation de l'accès à l'indemnité pour perte d'emploi.
La note de présentation du PLF 2023 a présenté le bilan des actions entreprises pour une mise en oeuvre efficace de ce chantier :
Sur le plan opérationnel
- Adoption de 22 décrets d’application de la loi n° 98-15 relative à l’assurance maladie obligatoire de base pour les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non-salariées exerçant une activité libérale (TNS) et de la loi n° 99-15 instituant un régime de pensions pour les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non-salariées exerçant une activité libérale. Lesdits décrets ont ouvert la voie à la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire à près de 3,6 millions de bénéficiaires, à fin août 2022, dont 2,22 millions d’assurés principaux TNS. Ainsi, le Gouvernement a procédé à la mise en œuvre d’un plan de communication pour encourager l’immatriculation de la population concernée ;
- Déploiement de plusieurs actions pour accélérer le recouvrement des cotisations et l’amélioration des taux de recouvrement ;
- Constitution d’un comité de travail pour assainir la base de données des bénéficiaires du RAMED et définir les modalités de basculement de cette population vers la CNSS afin de permettre le démarrage de généralisation de l’AMO aux populations pauvres et vulnérables ;
- Adaptation de l’arsenal juridique permettant la transition du RAMED à l’AMO, notamment, par l’adoption en Conseil du Gouvernement du projet de loi n° 22-27 complétant et modifiant la loi n° 65-00 portant code de la couverture médicale de base ;
- Poursuite du chantier de refonte du système national de santé en accompagnement de la généralisation de l’AMO à travers, notamment, la préparation du cadre juridique nécessaire à ce chantier, et particulièrement le projet de loi-cadre n° 06-22 relative au système national de santé adoptée en Conseil des Ministres le 13 juillet 2022 ;
- Préparation des projets de lois portant sur : la création des groupements sanitaires territoriaux, la Haute Autorité de Santé, le statut particulier des professionnels de santé, l’Agence Marocaine des Médicaments et des Produits de Santé et l’Agence Marocaine du Sang et de ses dérivés, la mise à niveau des infrastructures sanitaires et la mise en place du système d’information hospitalier ;
- Réalisation d’une étude actuarielle ayant pour objet de mesurer l’équilibre financier du dispositif d’Assurance Maladie Obligatoire afin de maîtriser les enjeux de sa généralisation à la population des travailleurs non-salariés et à la population des bénéficiaires du RAMED. Au terme de cette étude, la CNSS disposera d’un bilan actuariel de l’AMO pour chacune des populations couvertes.
Sur le plan du financement
Ce chantier mobilisera une enveloppe annuelle de 51 milliards de dirhams à partir de 2025, répartie entre la généralisation de l'AMO (14 milliards de dirhams), la généralisation des allocations familiales (19 milliards de dirhams), l'élargissement des bénéficiaires des régimes de retraite (17 milliards de dirhams) et la généralisation de l'accès à l'indemnité pour perte d'emploi (1 milliard de dirhams).
Ce montant sera financé, à hauteur de 50%, selon un mécanisme de contribution basé principalement, sur les cotisations des travailleurs non-salariés, et aussi à travers la Contribution Professionnelle Unique (CPU) prévue par la loi de finances de l’année 2021, et via les versements directs. Les 50% restants seront financés à travers le budget de l’Etat, dans le cadre de la couverture solidaire, avec comme objectif d’assurer un accès à la couverture sociale pour les personnes n’ayant pas une capacité contributive.
Le Gouvernement tient à mobiliser les ressources nécessaires pour assurer la bonne mise en œuvre de ces chantiers, notant que 10 milliards de dirhams ont été prévus pour l’année 2022 dans le cadre du Fonds d’appui à la protection sociale et à la cohésion sociale, dans le but de financer les différents programmes sociaux en cours ainsi que les volets de généralisation de la protection sociale, y compris la généralisation de l’assurance maladie obligatoire.
Sur le plan de la gouvernance
La réussite du chantier de la généralisation de la protection sociale est tributaire de la mise en place d’un cadre de gouvernance permettant un pilotage et un déploiement efficace de la réforme. A ce titre, la loi-cadre relative à la protection sociale a annoncé, dans son titre 3 (article 16), la mise en place d’un mécanisme de pilotage qui veille, particulièrement, sur le suivi de sa mise en œuvre et la coordination des interventions des différentes parties prenantes. A cet égard, il a été procédé à la publication du décret n° 2-21-532 qui porte sur :
- La création d'une Commission interministérielle pour le pilotage de la réforme du système de la protection sociale, qui a, principalement, pour mission d'assurer le suivi de l’exécution de la réforme du système de la protection sociale, de coordonner les interventions des différentes parties concernées par ladite réforme et d'arrêter la liste des projets de textes législatifs et réglementaires nécessaires à la généralisation de la protection sociale. Elle veille, également, à la mise en œuvre et l'accompagnement des chantiers de généralisation de la protection sociale, la détermination des mesures et des mécanismes nécessaires au développement des aspects de gestion et à la préservation de la durabilité financière du système de la protection sociale. En plus, cette commission œuvre à la mise en place d'une communication institutionnelle coordonnée et efficiente autour de ce chantier ;
- La création d'une Commission technique auprès de la Commission interministérielle, pour lui fournir l'aide et l’appui techniques, sous la présidence du Ministre Délégué auprès de la Ministre de l’Economie et des Finances, chargé du Budget. Elle est constituée d'un représentant de chaque autorité gouvernementale, siégeant à la Commission interministérielle, en plus du Directeur Général de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale et du Directeur de l'Agence Nationale de l'Assurance Maladie (ANAM).
Parallèlement, à la mise en place du cadre de gouvernance de la mise en œuvre de la réforme, une mise à niveau de la gouvernance de la CNSS est indispensable afin d’attribuer la gestion de la généralisation de l’AMO à cet organisme. A cet égard, les travaux sont en cours pour amender la loi n° 1-72-184 relative au régime de la sécurité sociale permettant de réviser le cadre de gouvernance et de gestion de la CNSS pour l’adapter aux exigences de la réforme.
Par ailleurs, et dans le but de poursuivre le déploiement rapide de la généralisation de la protection sociale, les principales mesures envisagées portent notamment sur :
- Le parachèvement de l’arsenal juridique nécessaire pour un déploiement efficace de la généralisation de l’AMO ;
- La mise en place des mesures nécessaires permettant d’accélérer le recouvrement des cotisations des Travailleurs Non-Salariés ;
- La mise en place d’un cadre juridique permettant la mise en œuvre optimale de la généralisation des allocations familiales. Il y a lieu de signaler, à ce propos, que plusieurs réformes structurantes doivent accompagner cette généralisation, il s’agit essentiellement du lancement de la réforme progressive de la compensation, du regroupement des programmes sociaux actuels d’aides directs à la scolarisation : Tayssir, DAAM, 1 Million de cartables,... et de l’accélération de la mise en œuvre du Registre Social Unifié (RSU) pour un ciblage plus efficace des populations démunies.
- La programmation annuelle, à partir de l’année 2023, des crédits nécessaires à la généralisation de l’AMO, soit une enveloppe de 9,5 milliards de dirhams. A ce titre, la réflexion doit se focaliser sur la mobilisation de nouvelles ressources fiscales permettant d’assurer un financement pérenne de cette généralisation ;
- La programmation des crédits nécessaires pour la mise à niveau du système national de santé (mise à niveau des infrastructures, système d’information…) ;
- Le lancement d’une réflexion pour définir le cadre de gouvernance et de gestion des autres composantes (Allocations familiales, retraite et Indemnité pour Perte d'Emploi) pour assurer une meilleure efficacité dans la gestion de ces régimes.
Financement de la protection sociale
Au titre des lois de finances des années 2021 et 2022, plusieurs dispositions ont été introduites pour financer le chantier de la protection social. Dans le cadre du PLF 2023, le gouvernement s'engage à mobiliser les ressources nécessaires pour assurer la bonne mise en œuvre de ce chantier.
Les mesures déjà lancées sont :
- L’instauration de la contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et revenus qui a permis de mobiliser environ 5 milliards de dirhams en 2021, et environ 6 milliards de dirhams en 2022 ;
- L’établissement de la TIC sur les pneumatiques, même montés sur jantes ;
- L’instauration d’une TIC applicables aux articles, appareils et équipements fonctionnant à l’électricité ;
- L’instauration d’une TIC applicables aux appareils électroniques et aux batteries pour véhicules.
Les recettes générées par ces mesures ont été affectées au « Fonds d’appui à la protection sociale et à la cohésion sociale », et ce, dans un souci de pérenniser les ressources de ce Fonds ayant pour objet le financement de la généralisation de la protection sociale.
Aussi, et en application des dispositions de la loi-cadre n° 09-21 relative à la protection sociale et dans le but d’assurer la pérennité financière de ce régime, le Gouvernement mène actuellement une réflexion pour la mobilisation de nouvelles recettes fiscales à même d’assurer un financement pérenne de ce chantier.
>> Lire aussi : Le Registre social unifié généralisé avant fin 2023
>> Lire aussi : Réforme de la santé : les mesures prévues dans le PLF 2023