La décision de Bank Al-Maghrib (BAM) de marquer une pause dans le cycle de resserrement de la politique monétaire a pris de court les experts de Fitch Solutions. «Nous considérons que les trois précédentes hausses successives du taux directeur d’un total de 150 points de base, entamées depuis septembre 2022, seront insuffisantes pour ramener l'inflation à sa cible implicite de 2,0% à moyen terme», souligne le spécialiste international du risque crédit et de la macro-intelligence. Ce dernier estime ainsi que la banque centrale doit poursuivre son cycle de resserrement pour atteindre 4% en décembre 2023. D’ailleurs, «la Banque centrale a qualifié cette décision de “pause”, laissant ainsi entendre qu'il y aura davantage de hausses de taux à venir. Cela confirme notre point de vue selon lequel il y aura d'autres augmentations du taux directeur, car l'inflation reste élevée et le taux d'intérêt réel demeure fermement en territoire négatif».
Fitch prévoit une augmentation du taux directeur à 3,50% dès le prochain conseil de Bank Al-Maghrib en septembre
Fitch prévoit ainsi que BAM augmentera de 50 points de base à 3,50% le taux directeur dès sa prochaine réunion en septembre, l'inflation restant élevée. Selon ses économistes, malgré un ralentissement, en glissement annuel, de 7,8% en avril à 7,1% en mai 2023, l'inflation reste nettement supérieure à la cible fixée. En effet, bien que l'inflation, sur un mois, ait diminué de 0,4% en mai en raison des mesures gouvernementales visant à limiter les hausses de prix, Fitch pense que cette tendance est peu susceptible de se maintenir, en partie, en raison de la faible production agricole, ce qui maintient l'inflation alimentaire à un niveau élevé. L’inflation globale devra s’établir à 7,5% en moyenne en 2023.
De plus, le taux d'intérêt réel s'est établi à -4,1% en mai 2023, marquant une divergence importante par rapport à la décennie passée, où le taux d'intérêt réel était rarement passé en territoire négatif. Fitch prévoit donc un resserrement supplémentaire de la politique monétaire au quatrième trimestre 2023 à 4%. Et ce n’est pas tout. BAM devra porter son taux directeur à un taux terminal de 4,50% d'ici 2024. Et pour cause, des taux d'intérêt réels négatifs, une croissance atone de la production agricole et une politique budgétaire expansionniste maintiendront l'inflation à un niveau élevé jusqu'en 2024.
«Notre prévision d'un taux d'inflation moyen de 5,4% en 2024, en raison des mesures gouvernementales visant à éliminer progressivement les subventions sur le gaz et le sucre, suggère également que les taux d'intérêt réels resteront négatifs jusqu'en septembre 2024. Ce qui justifie notre appel à un nouveau resserrement de la politique monétaire», conclut l’analyse de BMI, une société de Fitch Solutions qui fournit des analyses macroéconomiques, sectorielles et financières.
À noter que BMI prévoit une croissance de 1,9% pour le Maroc cette année ; une reprise molle de la production agricole et une décélération de la croissance dans la zone euro limiteront le rebond économique du pays en 2023.
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