Quelles mesures et approches durables faut-il mettre en œuvre pour relever les nouveaux défis qui mettent en péril la sécurité alimentaire mondiale ? Voilà la principale préoccupation à laquelle les participants à la conférence de haut niveau, organisée en marge de la 15e édition du SIAM autour du thème «Génération Green, pour une souveraineté alimentaire durable», ont tâché de répondre, chacun suivant sa spécialité.
Souveraineté alimentaire en contexte de déficit hydrique : enjeux de la maîtrise de l'eau d'irrigation
À l'heure où le changement climatique entraîne des sécheresses pluriannuelles et régulières, une politique d'irrigation volontariste se révèle absolument prioritaire pour consolider la souveraineté alimentaire nationale. Placer l'irrigation au cœur de la stratégie Génération Green n'est donc pas anodin pour se soustraire aux aléas climatiques. «La moyenne d'apports d'eau aux barrages est passée de 22 milliards de mètres cubes à 14 milliards de mètres cubes entre 1980 et 2020, soit une chute d'un tiers, ce qui a eu des répercussions négatives sur l'agriculture irriguée», souligne le directeur de l’irrigation et de l’aménagement de l’espace agricole au ministère l'Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Ahmed Bouari. «Les volumes d'eau effectivement alloués au périmètre irrigué sont en baisse continue ces dernières années. Contrairement aux idées reçues, l'agriculture irriguée, souvent accusée à tort d'être un grand consommateur d'eau, ne prélève ses dotations d'eau qu’une fois la demande des autres secteurs satisfaite», fait observer M. Bouari.
Ainsi, en termes de stratégie et pour faire face à l'impact du stress hydrique, l'irrigation, précise ce responsable, tient, dans le cadre de Génération Green et du Plan national pour l'approvisionnement en eau potable et l'irrigation (PNAEPI, 2020-2027), une place prépondérante dans les politiques agricoles et les stratégies de l'eau à travers trois leviers :• Développement et sécurisation de l’offre hydrique.• Amélioration de l’offre hydrique.• Amélioration de la gouvernance de l’eau agricole.Le premier levier, explique M. Bouari, porte sur la construction de nouveaux barrages et l'exploitation du potentiel hydrique des bassins du Loukkos, Sebou et Bouregreg, non encore valorisés. Il s'agit également d'interconnecter les bassins (Sebou-Bouregreg-Oum Rbia, Tensift, Loukkos-Tangérois et Lauo-Moulouya). De même, ce levier consiste à alimenter en eau les grandes villes côtières par dessalement de l'eau de mer (ce qui va permettre de libérer plus d'eau des barrages pour l'irrigation) et le développement de projets d'irrigation par dessalement (cultures à haute valeur ajoutée). «Cela permettra de renforcer la résilience des systèmes d'approvisionnement en eau, de réduire la concurrence pour les ressources en eau entre les secteurs et de mobiliser un stock hydrique stratégique pour la souveraineté nationale», affirme le responsable. Et M. Bouari de préciser que «ce stock hydrique stratégique sera destiné en priorité à pérenniser l'irrigation dans les périmètres structurellement déficitaires afin de consolider leur rôle dans la couverture de niveaux stratégiques de nos besoins alimentaires de base».Ce stock hydrique stratégique sera également affecté en partie, d’après M. Bouari, à garantir et stabiliser une production nationale minimale de 60 millions de quintaux de céréales, notamment par le biais d'un programme de développement de l'irrigation de complément des céréales. Aussi, et grâce au dessalement, ce sont 500 millions de mètres cubes qui seront mobilisés et qui serviront à irriguer plus de 100.000 hectares de cultures fruitières et maraîchères, annonce le directeur de l’irrigation et de l’aménagement de l’espace agricole au ministère l'Agriculture.Un investissement colossal de 50 milliards de dirhams pour une agriculture résiliente
Quant au deuxième levier, celui-ci consiste en un investissement colossal de 50 milliards de dirhams prévu dans le cadre de Génération Green pour doubler la valeur ajoutée par mètre cube (à travers le développement de l’irrigation localisée, sur 350.000 ha, l’extension et la sauvegarde de l’irrigation sur 72.000 ha, la réhabilitation des périmètres des petites et moyennes hydrauliques et la sauvegarde des khettaras sur 200.000 ha, le développement de projet d’irrigation en PPP pour l’extension et le renforcement de l’offre hydrique et la conservation des ressources en eau et en sol en plus de la préservation des terres agricoles). Ce levier consiste également à étendre de 20% la surface irriguée couverte par l'énergie verte. «L'ambition à travers ces programmes est de parvenir à un million d'hectares sous irrigation localisée en 2030, ce qui placera notre pays dans le top 5 des pays les plus équipés en termes d'irrigation économe», dit M. Bouari.
S’agissant de la gouvernance (troisième levier), En termes de gouvernance, et pour mieux remédier aux carences du modèle actuel de gestion de l'eau (notamment la diminution des ressources en eau allouées à l'agriculture, la résilience insuffisante des systèmes d'approvisionnement à partir des barrages, la forte pression sur les eaux souterraines et le recouvrement insuffisant des coûts des services de l'eau), des leviers d'action ont été actionnés pour améliorer la durabilité et l'efficacité des investissements et pour mieux responsabiliser les acteurs impliqués. Ces leviers ont notamment trait au (à) :• Développement du partenariat public-privé pour le co-financement, la conception, la construction et l’exploitation des projets d’irrigation.• La gestion durable des nappes à travers des projets de sauvegarde, des contrats de gestion participative, de régularisation et de contrôle des prélèvements.• L’amélioration du service de l’eau à travers la sécurisation des dotations, la généralisation des compteurs individuels et des contrats de vente d’eau, l’application des quotas, etc.Lire aussi : Souveraineté et sécurité alimentaires : Science et innovation, la voie Royale
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