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Lundi 20 Mai 2024
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Hicham Zouanat : L'impact de la hausse des salaires sur les entreprises ne sera pas important, si...

Hausse des salaires, réformes, promulgation des lois… Lors de son passage à l’émission L’Info en Face, qui marque sa première sortie médiatique après la signature de l’accord du 29 avril, Hicham Zouanat, président de la Commission sociale de la CGEM, partage son analyse des résultats du dialogue social ainsi que les attentes du privé en contrepartie de cette hausse générale des salaires.

Hicham Zouanat
Hicham Zouanat
La hausse générale des salaires et la révision à la baisse de l’IR de certaines tranches de salaires sont-elles une bonne nouvelle pour l’entreprise ? C’est la question centrale débattue lors du numéro de mardi de l’émission L’Info en Face, de «Groupe Le Matin», avec Hicham Zouanat, président de la Commission sociale de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).

Pour ce spécialiste en ressources humaines, l’accord scellé dans le cadre du dialogue social est bon, à condition qu’il soit exécuté, et ce dans les délais prévus. Car, fait remarquer notre invité, les engagements de la CGEM sont chiffrés et datés alors que ceux du gouvernement et des syndicats relèvent de la législation. «Le cadre juridique relatif au droit de grève est presque finalisé. Les syndicats ont demandé du temps additionnel pour en discuter», révèle Zouanat à ce propos. Mais pour savoir si tout a été fait comme prévu, il faudra procéder à une évaluation objective : «On ne peut avoir une véritable évaluation de cet accord social que vers fin 2025 ou début 2026. Celle-ci sera basée sur les faits et les livrables», insiste M. Zouanat.



En attendant, explique notre expert, la hausse du Smig va se faire dans tous les secteurs certes, mais l’État reste vigilant quant aux secteurs sensibles où cette hausse aura un impact significatif sur leur compétitivité. Pour le privé, la question est de savoir ce qu’obtient l’entreprise en contrepartie de cette augmentation. À cela, notre invité répond qu’à part le volet législation sociale, le premier élément est la refonte de la loi 60-17 relative à la formation continue et aux contrats spéciaux de formation (CSF). Si la refonte est achevée et que l’accord est exécuté comme convenu, et dans le temps imparti, l’impact de cette augmentation du Smig sera à peine perceptible sur la trésorerie des entreprises, affirme notre invité. Autre contrepartie obtenue par les entreprises, la loi sur les grèves. «Nous ne voulons pas limiter le droit de grève mais le réglementer, trouver un juste milieu entre le droit à la grève et le droit au travail», rassure l’invité de l’émission.

Caisses de retraite : les acquis doivent rester intouchables selon la CGEM

Concernant la réforme des caisses de retraite, Zouanat rappelle que rien n’a encore été tranché. Il précise à cet effet que la partie systémique de la réforme est la plus dure. La partie paramétrique (âge, cotisations...) de la réforme, en revanche, «est assez simple à gérer», assure-t-il. Quoi qu’il en soit, explique notre invité, «à la CGEM, la position est la suivante : les acquis sont intouchables et l’étanchéité des caisses est à garantir (hors de question qu’une caisse compense ses déficits depuis d’autres caisses). Enfin, nous souhaitons avoir une réforme équilibrée entre l’âge, la cotisation et la prestation». Quelle est, justement, la position du patronat sur l’hypothèse de repousser à 65 ans l’âge de départ à la retraite. «À lui seul, ce paramètre n’est pas suffisant pour prendre position», nous fait comprendre notre expert. Et d’ajouter que «beaucoup de paramètres entrent en jeu. On ne peut pas se prononcer maintenant. Les négociations vont bientôt démarrer».



L’année en cours sera d’ailleurs riche en annonces, espère M.Zouanat : en contrepartie de la hausse générale des salaires, le patronat s’attend à la promulgation de la loi sur la grève dans les prochaines semaines, celle de la loi relative à la réforme des caisses de retraite ainsi que celle relative à la formation continue vers la fin de l’année. Le nouveau Code du travail, lui, est attendu pour 2025.

Emploi : l’entreprise prend en charge des fonctions régaliennes, ce qui la plombe !

Concernant ce dernier point, M. Zouanat rappelle que 91% des emplois sont l’émanation du secteur privé (11 millions d’emplois sur les 12,2 millions que compte le pays), et qu’à ce titre, le privé se positionne comme premier responsable de la création d’emplois au Maroc. «C’est la PME et la grande entreprise qui sont à l’œuvre», assure-t-il. Sauf que le taux de croissance du Maroc est de plus en plus faible et que, par conséquent, la création de valeur et d’emplois ralentit de plus en plus. Le privé est-il donc responsable aussi de la hausse du taux de chômage ? Ici, M. Zouanat répond qu’il faut voir du côté du ratio de l’investissement public/privé. Au Maroc il est de deux tiers pour le public et d’un tiers pour le privé, alors que c’est l’inverse sous d’autres cieux. De plus, explique-t-il, le coût des facteurs de production directs est très problématique puisque l’entreprise marocaine doit prendre en charge des fonctions régaliennes : «au nom de quoi est-elle obligée de payer le coût de la formation initiale en termes de formation professionnelle, financer le chômage à court terme (payer le Smig, qui augmente, pendant 6 mois) et subventionner les allocations familiales (6% de la masse salariale non plafonnée) ? Pour encourager l’investissement, il faut les soulager de ces charges. Ce n’est qu’après qu’on peut taxer les bénéfices et contrôler la fraude», analyse-t-il.

En attendant, la création d’emplois dans l’informel reste beaucoup plus importante que dans le formel. Une situation qui ne devrait cependant pas durer si l’on croit notre invité pour qui les réaménagements fiscaux en cours et à venir ne laisseront plus d’excuses à ceux qui refusent d’opérer un passage au formel. En attendant, le taux de chômage continue d’augmenter et les prochains mois ne risquent pas d’apporter de bonnes surprises sur ce point : l’année 2024 devrait finir sur un taux de chômage autour de 14%. Et la situation devrait davantage se dégrader en 2025. D’ailleurs, insinue notre expert, l’une des problématiques majeures des entreprises dans ce registre, c’est qu’elles gèrent des contrats à durée indéterminée dont le coût de séparation, en cas de nécessité technologique, économique ou conjoncturelle, est énorme. Une situation qui devrait se compliquer davantage si l’âge de départ à la retraite était repoussé !
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