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Alzheimer : la double peine des familles des malades

À la Maison Solidarité Alzheimer, des histoires de résilience, de courage et d’espoir se racontent chaque jour. Celle de Fatima est édifiante à plus d’un égard, car elle incarne le combat quotidien des familles dont un des membres souffre de cette maladie pernicieuse et ô combien invalidante qu’on appelle la maladie de la mémoire. Son témoignage émouvant dévoile une vie bouleversée, faite de douleurs, de patience et de sacrifices. Son mari, atteint de la maladie d'Alzheimer, livre chaque jour une lutte acharnée et parfois désespérée contre l’oubli, mais aussi et surtout pour la dignité. À ses côtés, Fatima s’évertue à compenser la dégénérescence lente mais inexorable de ses capacités intellectuelles. Devoir assister à la souffrance de son mari est une peine intenable à laquelle s’ajoute l’épuisement physique et mental que nécessite sa prise en charge quotidienne.

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Le 26 septembre dernier, la Maison Solidarité Alzheimer à Casablanca a accueilli un événement unique intitulé «Faire échec à l’oubli». Organisée en partenariat avec SUN PHARMA et la Fédération Royale marocaine des échecs, cette journée a rassemblé des familles, des professionnels de santé et des passionnés d’échecs. Son objectif principal : sensibiliser le public à l'importance des activités cognitives dans la prévention et la prise en charge de la maladie d'Alzheimer.

Alzheimer : des histoires de lutte et d'espoir

Abstraction faite des aspects scientifiques, lors de cet événement l’émotion était à son comble par moment. Fatima, épouse d’Ahmed, un homme atteint de la maladie d’Alzheimer, a partagé son récit touchant avec le journal «Le Matin». Un récit qui résume les dégâts que cette maladie peut causer et les chamboulements qu’elle induit au sein d’une famille qui menait jadis une vie normale. Elle a ainsi raconté comment son mari, qui était auparavant un homme plein de vie, n’hésitant pas à lancer boutades et traits d’esprit et même à engager une partie d’échecs, s’est décati petit à petit. «Hélas, la réalité est bien différente. Il est comme un étranger chez lui. Il ne se rappelle même plus de notre mariage, il me pose souvent des questions qui ajoutent à mon désarroi !», confie-t-elle non sans amertume. Pour Fatima, cette triste réalité est pénible à supporter émotionnellement, mais elle se fait une raison en se disant que çà c’est le propre des malades atteint d’Alzheimer.

Mais le plus dur pour elle, c’est de devoir vivre chaque jour avec la peur de perdre le compagnon de sa vie, la personne avec qui elle a partagé des années de son existence. «Chaque jour, je me réveille avec la peur de le perdre. Je dois le surveiller constamment. Une simple promenade peut se transformer en un véritable cauchemar. Une fois, il s’est égaré dans le quartier pendant des heures, et quand je l'ai retrouvé, il était assis sur un banc, seul et désemparé», raconte-t-elle. Ces instants d'angoisse, elle affirme ne les avoir jamais oubliés. «C’est une hantise qui m’épuise physiquement et psychologiquement». La nuit, Fatima ne dort que d’un œil. Elle se réveille à chaque bruit pour s’assurer qu’Ahmed est toujours là. «Ce n’est pas seulement lui qui souffre, moi aussi je souffre. Je suis d’autant plus usée qu’il est souvent irritable et nerveux», précise-t-elle. Face à ces épreuves, Fatima puise sa force dans ses ressources intérieures pour continuer. «Je le fais pour lui. J'essaie d'être son ancre dans cette tempête qu'est la maladie de la mémoire. Je l'emmène aux activités de la Maison Solidarité Alzheimer où il peut jouer aux échecs. Parfois, il retrouve une étincelle de lucidité et cela me donne espoir et la force de continuer ce combat», explique-t-elle.

Les activités non médicamenteuses, un apaisement pour les aidants aussi

Le témoignage de Fatima illustre la réalité poignante de beaucoup de familles touchées par Alzheimer. La maladie impacte certes un individu, mais ce sont ses proches qui vivent le calvaire au quotidien. Au Maroc, environ 200.000 personnes sont affectées et ce chiffre pourrait doubler d’ici 2050. Ces projections soulignent l’urgente nécessité d'une sensibilisation collective et à large spectre. Mais aussi l’impératif de mettre en place des mécanismes d’accompagnement social. Malheureusement, dans la plupart des familles, une seule personne, comme Fatima, prend en charge le patient jour et nuit, ce qui est intenable sur le long terme.
La neurologue Dr Rajaa attire l’attention sur cette réalité et appelle à une mobilisation en faveur des aidants, souvent accablés par une trop grande charge émotionnelle et physique. Pour les aider à affronter leurs épreuves quotidiennes, la spécialiste recommande que les malades, en complément des traitements médicamenteux, recourent à des activités non médicamenteuses telles que la stimulation neurocognitive et la rééducation motrice. Cette approche, précise-t-elle, soulage non seulement les patients, mais aussi les aidants. «Les jeux d'échecs, par exemple, peuvent jouer un rôle essentiel en stimulant les fonctions cognitives et en réduisant l'agitation, permettant ainsi aux patients de trouver un certain apaisement», explique la spécialiste.
De son côté, Loubna Benrabeh, une art-thérapeute qui consacre beaucoup de son temps à l’accompagnement des malades d’Alzheimer, souligne l'importance de l’art-thérapie. Une activité qui permet selon elle d’établir une communication avec le patient en se connectant à son inconscient. «Cette méthode, qui intègre intuition et processus créatif, offre aux patients un réconfort significatif et les aide à sortir de l’état dépressif», note Mme Benrabeh.

Le poids de la culpabilité : vers une communauté solidaire

Autre fardeau qui pèse sur les personnes prenant en charge les malades : le sentiment de culpabilité. Fatima en sait quelque chose. La peur de négliger un détail ou de ne pas être à la hauteur la ronge en permanence. Pour atténuer ce poids, les spécialistes insistent sur l'importance de l'accompagnement des aidants à travers l'écoute et la formation. Ces actions permettent de les rassurer et de les soutenir dans leur lutte quotidienne, renforçant ainsi leur capacité à faire face à cette épreuve.

Créer un environnement de soutien s’avère donc primordial pour les aidants et les familles, mais aussi les malades. Se sentir entouré eu sein d’une communauté engagée et compréhensive peut changer radicalement le quotidien et fournir l’énergie nécessaire pour continuer à se battre. La Maison Solidarité Alzheimer se propose justement d’accomplir cette mission. Elle offre aux familles un lieu où elles se sentent écoutées et soutenues, un endroit où elles peuvent partager leurs expériences, se réconforter mutuellement et se sentir unies par la même cause. Cette convergence des efforts entre professionnels de santé, familles et structures d'accompagnement est essentielle pour que personne ne se sente seule dans cette lutte. Et pour que le malade continue de mener son existence dans la dignité.
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