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Dans une interview fleuve accordée au «Matin», le professeur Issa Babana El Alaoui, fin connaisseur du dossier du Sahara, de son histoire et de ses subtils enjeux, livre une lecture passionnante de cet événement majeur de l’histoire du Maroc contemporain qu’est la Marche Verte. Il revient sur son contexte historique, sa portée géopolitique, ainsi que sur ses dimensions symbolique et mémorielle. Pour lui, la célébration du cinquantenaire de cette grande épopée patriotique, qui a ouvert la voie au recouvrement des provinces du Sud marocaines, constitue l’occasion de porter un regard lucide – celui d’un historien doublé d’un politologue – sur l’évolution de la question du Sahara à la lumière de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, laquelle a consacré la proposition d’autonomie sous souveraineté marocaine comme le socle de toute solution future. Cette percée diplomatique inédite est ainsi commentée et décortiquée par notre interlocuteur qui livre une analyse méthodique des soubassements et des implications de ce conflit régional à l’aune des rivalités idéologiques, des intérêts économiques et des calculs géopolitiques des acteurs en présence. Dans cette première partie, le Pr Issa Babana El Alaoui décrit avec force détails les aspects symboliques et spirituels de la Marche Verte avant d’aborder sa genèse et sa philosophie dans un contexte historique et politique national très particulier. «Le 6 novembre 1975 ne se célèbre pas, il se revit chaque année. Il agit comme un code génétique de la nation», dit-il, avant de souligner que «la Marche Verte a démontré que la grandeur du Maroc ne résidait pas dans la conquête militaire, mais dans la mobilisation morale du peuple autour de son Roi. Elle a élevé pacifiquement la souveraineté du Maroc au rang d’une valeur spirituelle, incarnée par la fidélité et la loyauté réciproques, entre le sommet et la base.»
« L’autonomie n’est pas une reddition ; c’est la reconnaissance d’une vérité historique et la promesse d’un avenir digne pour la population saharaouie», affirme Mahjoub Salek, co-fondateur du polisario et coordinateur Khat Achahid (la Ligne du Martyr), un courant réformiste et dissident au sein du Front indépendantiste. Cinquante ans après la Marche verte, et alors que la résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU consacre la centralité de l’initiative d’autonomie, M. Salek revient sur un parcours marqué par l’engagement, la dérive et le désenchantement. « Nous avons vu notre cause dévoyée » se désole-t-il. De la genèse d’un mouvement de libération à son instrumentalisation par des forces étrangères, il déroule le récit de décennies de luttes, de souffrances et de désillusions, avant d’appeler aujourd’hui à un choix de raison : l’autonomie sous souveraineté marocaine, seule issue digne et réaliste.
Dernière Heure